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soulèvement des anabaptistes de Münster, qui professaient le communisme, avaient coïncidé avec la prédication protestante. Si la France semblait beaucoup plus réfractaire à la Réforme, qui ne s’y propageait qu’avec lenteur, toutefois l’avilissement de l’argent, la cherté de la vie, conséquences de la guerre et peut-être aussi de l’afflux subit de l’or américain, avaient créé du mécontentement, un terrain favorable à l’opposition politique, en appauvrissant les classes moyennes. Ce fut, chez nous, le grand stimulant du protestantisme, auquel adhérèrent surtout la bourgeoisie et la noblesse, tandis que la population des campagnes, que la crise économique n’avait pas atteinte, resta indemne. Quant à ceux que leur tournure d’esprit, des raisons intellectuelles ou mystiques avaient convertis à la religion réformée, ils furent ensuite entraînés dans le mouvement de la guerre civile : la distinction entre « huguenots de religion » et « huguenots d’État » ne tarda guère à s’effacer.

François Ier avait déjà dû s’occuper des protestants dont la prédication causait des désordres. Sous Henri II, les incidents se multiplièrent. Il y en eut de graves à Paris, où la foule assaillit une réunion que les réformés tenaient au Pré-aux-Clercs. Des églises naissaient un peu partout, à l’exemple de celle que Calvin fondait à Genève, et les persécutions, voulues par l’opinion publique, poussaient, comme toujours, les convertis à proclamer leur foi et à chercher le martyre. Ces symptômes étaient inquiétants. Il était clair que la France allait se couper en deux, clair aussi que la résistance du peuple catholique serait plus forte que la propagande calviniste. Contre les hérétiques, la foule exigeait des supplices, ne les trouvait jamais assez durs. Michelet doit le noter : « On s’étouffait aux potences, aux bûchers. L’assistance dirigeait elle-même et réglait les exécutions. » D’autres signes apparaissaient, propres à préoccuper un gouvernement : deux partis se formaient dans tous les corps de l’État. Dans l’armée, Guise et Coligny s’opposaient. Au Parlement, une chambre acquittait les protestants, l’autre les condamnait au feu. La magistrature se discréditait. Pour mettre fin au scandale, Henri II tint au Parlement une séance solennelle qui tourna en un scandale pire. Un des conseillers, Dubourg, nouveau converti, défia le roi, le compara