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paix devenait possible. Ce fut une paix de liquidation. De tous les côtés, on n’en pouvait plus. Marie Tudor était morte. Avec elle Philippe II perdait l’alliance anglaise, et la reine Élisabeth, se décidant pour le protestantisme, fondait l’église anglicane. Le roi d’Espagne était inquiété sur mer par les Turcs, comme l’était sur terre son cousin l’empereur Ferdinand qui, ayant en outre affaire aux protestants d’Allemagne, n’avait même pas pris part à la lutte. La France retrouvait Saint-Quentin, gardait Metz, Toul, Verdun et Calais. Mais, sauf Turin, elle renonçait à l’Italie. C’est ce qui fait que le traité de Cateau-Cambrésis n’a pas été plus glorieux. Les militaires regrettaient ces campagnes d’Italie qui rapportaient de l’avancement et du butin, et ils déclarèrent que l’abandon de tant de conquêtes était une honte. Les mémoires de Montluc sont pleins de ces protestations. Elles ont été répétées. Il est curieux que l’histoire, au lieu d’enregistrer les résultats, se laisse impressionner, même à longue distance, par des hommes qui n’ont pris la plume, comme c’est presque toujours le cas des auteurs de mémoires, que pour se plaindre ou se vanter.

Henri II mourut d’accident sur ces entrefaites (1559). Aux fêtes données pour la paix, le roi prit part à un tournoi où la lance de Montgomery lui entra dans l’œil. La mort de ce prince énergique et froid tombait mal. Il ne laissait que de jeunes fils à un moment où la France se troublait. Comme toujours, de si longues années de guerre, qui avaient été pourtant des guerres de salut national, avaient été coûteuses. Elles avaient accablé les finances, atteint les fortunes privées. Il avait fallu multiplier les emprunts et les impôts, tirer argent de tout, vendre les charges publiques. Déjà, au début du règne d’Henri II, les provinces du Sud-Ouest s’étaient soulevées contre la gabelle et l’insurrection avait pris un caractère révolutionnaire, dont témoigne un célèbre pamphlet contre les tyrans, le Contre un de La Boëtie, l’ami de Montaigne. Ce « cri républicain » sera bientôt repris par les calvinistes, tout d’abord respectueux de l’autorité et des pouvoirs établis, comme Luther et Calvin lui-même l’avaient recommandé.

Qu’il y eût, au fond de la Réforme, un levain politique, un principe d’insurrection, c’est ce qui n’est guère douteux. En Allemagne, la grande révolte des paysans de Souabe, puis le