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sans brutalité. Les historiens protestants lui ont toujours rendu justice, même quand c’est pour l’opposer à ses successeurs.

Il est facile de comprendre que ce commencement de guerre religieuse à l’intérieur ait gêné la politique étrangère du roi. Sans doute, une coalition formée du roi de France, d’Henri VIII, alors en querelle avec Rome, et des protestants allemands, cette coalition eût été redoutable pour Charles-Quint. Elle ne fût pas allée loin si, aux yeux de la France catholique, — l’immense majorité des Français, — François Ier fût devenu le roi de la Réforme. Prendre ouvertement le parti des hérétiques, c’était peut-être, dans la disposition des esprits, courir le risque d’une révolution. Cependant, la résistance, souvent violente, des Français à la diffusion du protestantisme, refroidissait nos alliés d’Allemagne. D’où les fluctuations que subit, à partir de 1538, la politique de François Ier.

Mais une réconciliation sincère, durable, n’était pas possible entre la maison d’Autriche et la France, tant que l’empereur menacerait l’indépendance et la sûreté de l’Europe. La guerre reprit et, cette fois, la partie fut nulle. Les Impériaux, pourtant battus en Italie à Cérisoles, avaient envahi la France par le Nord et la paix avait dû être signée à trente lieues de Paris, à Crépy-en-Laonnois (1544). Non pas une paix : une trêve précaire, pareille aux autres, qui ne résolvait rien et que l’opinion publique trouva humiliante. Comme son père avait fait pour le traité de Madrid, le dauphin, soucieux de sa popularité, attesta devant notaire que, devenu roi, il ne reconnaîtrait pas le traité de Crépy. À la mort de François Ier, de nouvelles hostilités se préparaient entre la France et l’empereur.

Ce qui s’est élaboré, construit, à cette date de 1547 où Henri II devient roi, c’est une politique. Décidément, les affaires d’Allemagne sont les plus importantes. Nos frontières de l’Est aussi. L’Italie n’est qu’un théâtre secondaire. Contre qui porte l’effort de la France ? Contre l’Empire germanique. C’est donc là qu’il faut agir, c’est cet Empire qu’il faut dissocier, s’il se peut. Quant aux résultats de l’inévitable guerre, où seront-ils cueillis ? Sur la ligne qui sépare l’Empire de la France, dans cette Lotharingie d’où le partage des Carolingiens nous a écartés depuis cinq cents ans. La lutte contre la maison d’Autriche, c’est-à-dire la lutte contre l’Allemagne, conduit la