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Pour se reconnaître dans les événements très confus qui vont suivre, trêves conclues et dénoncées, alliances nouées et dénouées, il faut un fil conducteur. Comment François Ier finit-il par se réconcilier deux fois avec Charles-Quint, la première au traité de Cambrai qui rendit au roi ses fils otages, la seconde avec un tel empressement que l’empereur fut reçu en France ? C’est que les choses ne sont jamais simples. En théorie, il était facile de s’unir, pour abattre Charles-Quint, à Soliman et aux protestants d’Allemagne. Mais, en Europe, cette alliance avec les Turcs, dont les invasions montaient, avançaient sans cesse, faisait scandale. Charles-Quint exploitait ces craintes et ces répugnances contre François Ier qui devait ruser, rassurer, fournir des explications, ne pas laisser Charles-Quint prendre le rôle de défenseur du catholicisme. Quant aux princes protestants d’Allemagne, confédérés à Smalkalde contre l’empereur, il leur arrivait de se souvenir qu’ils étaient Allemands et que Charles-Quint les couvrait en Autriche lorsque les Turcs menaçaient Vienne.

Ce n’est pas seulement en Europe que la position de François Ier était difficile à tenir. C’était en France. L’alliance avec les protestants allemands souleva une question de politique intérieure à partir du moment où il y eut des protestants français. Lorsque la Réforme parut chez nous, le moins qu’on puisse dire de l’attitude de François Ier, c’est que ce fut celle de l’indulgence. Sa sœur, la lettrée, la mystique Marguerite de Navarre, l’amie de Clément Marot, était sympathique à cette nouveauté. Le roi lui-même, la Réforme le servant en Allemagne, la voyait sans déplaisir en France. Il protégea et sauva plusieurs réformés, intervint pour la tolérance. Mais, nous l’avons vu, c’était l’opinion publique qui poursuivait les réformés. Et la propagande protestante grandissait, s’enhardissait, formait des fanatiques et des iconoclastes. Des statues de la Vierge furent brisées, un placard contre la messe cloué jusque sur la porte de la chambre du roi. La faute ordinaire des propagandistes, c’est de chercher à compromettre ceux qui ne les combattent pas, et François Ier ne voulait pas, ne pouvait pas être compromis : on sentait déjà se former ce qui serait bientôt la Ligue catholique. Il vit que les réformés, avec maladresse, essayaient de mettre la main sur lui. Il se dégagea