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anarchie. Nos rois ne connurent que cette politique vis-à-vis des choses d’Allemagne jusqu’à Charles-Quint, c’est-à-dire jusqu’au moment où se présenta une situation nouvelle et où apparut la nécessité de la lutte à main armée contre la maison d’Autriche.

« Pas plus que ses prédécesseurs, dit un historien du moyen âge, Philippe le Bel ne voulait d’une guerre ouverte avec l’Empire : les voies diplomatiques lui semblaient préférables et ses successeurs penseront de même jusqu’à François Ier. Les guerres entre la France et l’Allemagne avant le seizième siècle ne furent jamais que des escarmouches sans importance. » Et quand il fallut recourir aux armes, l’expérience acquise au cours des siècles ne fut pas négligée. C’est précisément dans ces circonstances que fut fixé le système de protection des « libertés germaniques », système de garantie de l’anarchie allemande, en réalité, et sur lequel l’ancien régime ne devait plus varier.

L’anarchie allemande des temps passés forme un contraste complet avec cette organisation, cette discipline où l’on a cru reconnaître, de nos jours, la faculté maîtresse des Allemands. On peut douter des conclusions de la « psychologie des peuples » lorsque l’on voit de telles métamorphoses dans les caractères nationaux. Ces métamorphoses ne s’expliquent que par l’influence des institutions. Elles sont dans la dépendance étroite de la politique : jusqu’au succès des Hohenzollern, l’histoire de l’Allemagne a été celle d’une longue lutte entre le principe d’autorité et l’individualisme, entre la monarchie et l’esprit républicain.

On se fait d’étranges illusions sur les hommes des siècles anciens lorsqu’on les représente comme mieux disposés que les hommes d’aujourd’hui à recevoir des maîtres et à se laisser commander. Contrairement à un préjugé engendré par l’ignorance, la monarchie héréditaire est une forme de gouvernement beaucoup plus répandue de nos jours qu’à la plupart des autres époques de l’histoire. Elle rencontre beaucoup moins d’objections et de résistance qu’elle n’en rencontrait autrefois. Dans l’Europe du moyen âge, les monarchies électives et même les Républiques étaient au moins égales en nombre aux royautés proprement dites. Sait-on assez que le passé de la Russie est républicain et que, sur la terre de l’autocratie, florissaient,