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aux dernières difficultés de la succession de Bourgogne. La paix d’Arras fut conclue avec Maximilien. Alors Louis XI posséda paisiblement. Picardie, Bourgogne, Provence et Roussillon, Maine et Anjou : voilà ce qu’il laissait à la France. Énorme progrès, non seulement par l’étendue et la richesse de ces provinces, mais parce qu’elles groupaient ce qui était épars et formaient autant de barrières contre les invasions. On ne peut mieux dire que Michelet : « Le royaume, jusque-là ouvert, se ferma pour la première fois et la paix perpétuelle fut fondée pour les provinces du centre. » De plus, la grande féodalité ennemie de l’État s’éteignait. Il ne restait plus à craindre que la maison de Bretagne. Louis XI avait achevé de réduire les grands vassaux : le duc de Nemours fut décapité. Déjà le connétable de Saint-Pol l’avait été pour trahison. Enfin, autre résultat du règne : dès 1475 il avait été signé à Picquigny, avec l’Angleterre, une paix définitive, qui fermait la guerre de Cent ans.

Tout cela, ce grand pas vers l’unité et la sécurité de la France, sans guerre. Louis XI n’aimait pas le risque des batailles et il avait une armée pour intimider l’adversaire plutôt que pour s’en servir. Quel gré lui en a-t-on su ? Aucun. Ce roi vivait sans luxe, entouré d’hommes obscurs, Olivier Le Dain ou le médecin Coctier. Il était avare du sang de son peuple, et ne menait à l’échafaud que des princes traîtres et rebelles. Sa légende n’en est pas moins sinistre et elle a porté jusqu’à nous les racontars du temps, tout ce que les agents bourguignons propageaient. Les foules sont romanesques et sentimentales. Pour elles, Louis XI, tout en calcul, qui choisissait des victimes utiles, resta l’homme noir. On plaignit Saint-Pol et Nemours. On se défendit mal d’admirer Charles le Téméraire, un de ces hommes qui, à l’exemple de Napoléon, frappent les imaginations jusque par leur fin tragique. Mais, pour Louis XI, le résultat seul comptait. Il mettait loin en arrière l’orgueil et l’amour-propre. Héroïque, chevaleresque et même, si l’on veut, plus franc, n’eût-il pas couru au-devant du danger ? À des moments difficiles, il avait su rompre et s’humilier. Il n’avait eu que des ambitions modestes, réalisables : s’arrondir, donner ou rendre à la France ce qui était français. En face de lui, le duc de Bourgogne forçait le temps et la