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entre les Anglais et leurs serviteurs français du parti bourguignon, le parti de l’Angleterre, le parti de l’étranger.

Pourtant, une des grandes idées de la « bonne Lorraine » avait été la réconciliation des Français. Grâce au mouvement national que son intervention avait déterminé, le retentissement et l’horreur de son martyre réalisèrent son vœu. La domination anglaise était de plus en plus détestée. Paris même se lassait. Le duc de Bourgogne se sentait abandonné de ses partisans et la protection de l’Angleterre commençait à lui peser. Quatre ans après la mort de Jeanne d’Arc, au congrès d’Arras, il se réconciliait avec Charles VII qui acheta cet accord en cédant les villes de la Somme et en exprimant des regrets pour l’assassinat de Jean sans Peur. Brève réconciliation. La maison de Bourgogne sera encore l’ennemie de la France. Mais il n’y aura plus chez nous que des débris du parti bourguignon. Le parti de la légitimité, le parti français, l’a emporté. Un an après le traité d’Arras, les Parisiens ouvrent leurs portes aux gens du roi et ils aident Richemont à chasser la garnison anglaise.

Rien n’était encore fini. Les Anglais tenaient toujours une partie du royaume. Le reste était dans le chaos et la misère. Comme Charles le Sage, Charles VII avait tout à refaire : l’administration, les finances, l’armée, en un mot l’État. Et le roi de France n’avait que de misérables ressources : à la cour somptueuse de Bourgogne, dans le grand apparat de la Toison d’Or, on se moquait du « roi de Gonesse » monté sur « un bas cheval trottier ». Et non seulement Charles VII ne disposait que de faibles moyens, mais tout le monde avait perdu l’habitude d’obéir : les grands vassaux donnaient le mauvais exemple. Il faudra juger le duc d’Alençon, coupable d’avoir négocié avec l’Angleterre.

Le beau feu d’enthousiasme et de patriotisme qui avait pris naissance à Domremy ne pouvait durer toujours. Surtout il ne pouvait suffire à remplacer l’organisation et la discipline. Rétablir l’ordre, chasser les Anglais : ce fut pendant vingt ans la tâche de Charles VII. Il l’accomplit à la manière capétienne, petitement d’abord, pas à pas, posant une pierre après l’autre, aidé dans sa besogne par des gens de peu ou de rien, des bourgeois administrateurs, l’argentier Jacques Cœur, le maître