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taufen, il est vrai, mais jugé inoffensif à cause de son âge. Et c’est à Bouvines que se joua la partie décisive, Othon ayant compris qu’il importait d’abattre Philippe Auguste pour ruiner son rival et pour atteindre Innocent III. Au moment de livrer cette bataille qui déciderait du sort de son royaume, le Capétien, de son côté, ne négligeait pas la force que lui apportait son alliance avec le Saint-Siège. Il s’en recommandait hautement auprès de ses vassaux, prenait soin de troubler l’adversaire en se proclamant champion de l’Église et de la foi. La victoire fit tomber entre ses mains l’aigle d’or et le dragon, symboles de l’Empire. Il les envoya à Frédéric dont la défaite d’Othon fit un Empereur, mais l’Empereur le plus soumis à Rome, le plus limité dans son pouvoir que l’on eût encore vu. La victoire de Bouvines, fruit d’une habile diplomatie, libérait la France, pour de longues années, du péril germanique. Elle marquait aussi l’entrée de la monarchie française dans la grande politique européenne.

Innocent III et Philippe Auguste l’avaient emporté en même temps. Une coalition franco-romaine avait brisé la puissance impériale. Ainsi naissait de l’expérience un principe d’équilibre européen, tout à l’avantage de la nation française, et qui ne devait pas cesser, à travers les siècles, de prouver sa bienfaisance. Rome et la France étaient réunies par un même intérêt contre une Allemagne trop forte. Et ce qui était vrai au treizième siècle l’est resté au dix-neuvième. Sedan fait la contrepartie de Bouvines. On a vu, quand le pouvoir pontifical fut tombé, le roi de France étant loin du trône, un Empire allemand héréditaire proclamé à Versailles. Telle est la chaîne d’airain où s’attachent les grandes dates de notre histoire.

Près de cent ans après Bouvines, le problème allemand se posait de nouveau, et dans des termes presque identiques, à la monarchie française. Mais, durant le treizième siècle, la puissance capétienne s’était accrue autant qu’avait encore baissé la force allemande. Philippe le Bel, continuant la politique de Philippe Auguste, bénéficiant de la victoire de 1214, n’avait plus le péril d’une invasion à craindre. À l’entreprise méthodique de division et d’affaiblissement de l’Empire déjà pratiquée par son prédécesseur, il n’eut besoin que d’appliquer les ressources de la diplomatie. C’est pourquoi, aux prétentions et à l’ulti-