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soutenu par les Anglais. Après des péripéties nombreuses, Henri de Transtamare l’emportera et sera un utile allié de la France.

Pour libérer le territoire, il n’y avait qu’un moyen et Charles V, sage et savant, homme de la réflexion et des livres, le comprit. C’était que l’Anglais ne fût plus maître de la mer. Dès que les communications entre l’île et le continent cesseraient d’être assurées, les armées anglaises, dans un pays hostile et qui supportait mal leur domination, seraient perdues. Créer une marine : œuvre de longue haleine, qui veut de la suite, de l’argent, et il a toujours été difficile d’intéresser le Français terrien aux choses de la mer. Charles V prépara de loin notre renaissance maritime et comptait, en attendant, sur la flotte de ses alliés d’Espagne. Encore le succès supposait-il que l’Angleterre négligerait la sienne. On ne s’expliquerait pas la rapidité de la revanche prochaine si l’Angleterre, à son tour, n’avait fléchi. Sur la fin du règne d’Édouard III, elle s’est fatiguée de son effort. Son régime parlementaire, déjà né avec la Charte des barons, s’est développé. La Chambre des Communes est séparée de la Chambre des Lords, elle a des sessions régulières, comme en voulaient nos États Généraux, et les Communes, de moins en moins volontiers, votaient des taxes pour la guerre. Au chancelier qui leur demandait si elles voulaient la paix perpétuelle, les Communes répondaient : « Oui, certes. » L’Angleterre se relâchait de sa vieille ténacité.

Alors, ayant noué des alliances de terre et de mer, Charles V écouta l’appel des populations cédées et dénonça le traité de Brétigny. La campagne, menée par Duguesclin, consistait à user l’ennemi, usure qui devint plus rapide quand la flotte anglaise eut été battue et détruite par les Espagnols devant La Rochelle. Les conditions de la lutte changeaient. Des corsaires français ou à la solde de la France inquiétaient les convois et parfois les ports de l’ennemi. Édouard III, alarmé, voulut frapper un coup, mais il lui fallut un an pour envoyer en France une nouvelle armée. La consigne fut de lui refuser partout le combat, de ne pas retomber dans les fautes de Crécy et de Poitiers. Cette armée anglaise allait à l’aventure, cherchant un adversaire qui se dérobait. Elle alla finir, exténuée, presque ridicule, à Bordeaux, tandis que château par château,