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le Mauvais, roi de Navarre, petit-fils de Louis Hutin, s’estimait injustement évincé du trône de France. Lui et les siens agitaient le pays par leurs intrigues et leurs rancunes. Jean chercha vainement à le gagner par des procédés généreux. Charles le Mauvais était puissant. Il avait des fiefs et des domaines un peu partout en France, des partisans, une clientèle. Le parti de Navarre ne craignit pas d’assassiner le nouveau connétable par vengeance : ce fut le début des crimes politiques et de la guerre civile. Jean résolut de sévir, de séquestrer les domaines du roi de Navarre, qui passa ouvertement à l’Angleterre. Ce fut le signal de la reprise des hostilités avec les Anglais (1355).

La lutte s’annonce mal pour la France. Le roi doit compter avec Charles le Mauvais, perfide, presque insaisissable, sur lequel, par un beau coup d’audace, il ne met un jour la main que pour voir une partie du royaume s’insurger en sa faveur. Jean procède à des exécutions sommaires, fait reculer les rebelles, mais n’ose, à tort, verser le sang de sa famille, et se contente d’emprisonner le roi de Navarre qui lui demande pardon à genoux : nous verrons bientôt reparaître le Mauvais, pire dans son orgueil humilié. Cependant les troupes anglaises se sont mises en mouvement. Elles envahissent et ravagent la France, cette fois celle du Midi, et avancent par le Sud-Ouest. C’était le moment de la nouvelle rencontre, inévitable depuis Crécy. Édouard III s’y était préparé. L’argent lui manquait : l’Angleterre industrielle et commerçante en emprunta, sur le monopole des laines, aux banquiers florentins. À la France, surtout agricole, cette ressource faisait défaut. L’impôt seul pouvait remplir le trésor et moins que jamais les Français étaient d’humeur à payer des impôts tandis qu’ils se plaignaient des expédients financiers auxquels la couronne était réduite. Jean dut s’adresser aux États provinciaux pour obtenir des subsides et, en 1355, convoqua des États Généraux. Là parut Étienne Marcel, prévôt des marchands de Paris. Avertie par le chancelier des dangers que courait la France, l’assemblée consentit à voter des taxes, mais à la condition de les percevoir par des agents à elle et d’en contrôler l’emploi. Elle ajouta de sévères remontrances au gouvernement sur la gestion des finances publiques. Que les impôts soient votés et perçus par