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main et la France est riche. Un irrésistible instinct pousse à la conquête l’Angleterre affranchie de ses dissensions.

La France est prospère : le butin de l’armée d’Édouard en témoignera. De longues années d’organisation et de paix ont permis aux Français d’accumuler des richesses. Michelet en convient : « L’état florissant où les Anglais trouvèrent le pays doit nous faire rabattre beaucoup de tout ce que les historiens ont dit de l’administration royale au quatorzième siècle. » Laborieux, économes, paysans et bourgeois de France sont toujours pareils à eux-mêmes. Ils ne se doutent pas que leur terre est enviée, que les richesses ne se gardent pas toutes seules, que l’or attire la conquête. Ils ne comprennent pas que certains sacrifices sont utiles, qu’il ne faut pas lésiner sur la prime d’assurance nationale. Dans ce pays riche, quel mécontentement contre les impôts ! C’est presque une révolution à la fin du règne de Philippe le Bel. Ses fils ont dû céder sur la question d’argent. Toutefois, Philippe de Valois trouve encore une brillante situation européenne, des alliés sur le continent, des cousins qui règnent à Naples et en Hongrie, trois rois à sa cour, dont celui de Bohême. Vraiment il semblerait que la France n’eût rien à craindre. Quand Édouard reprend la vieille méthode anglaise, essaie de liguer contre la France les princes d’Allemagne et des Pays-Bas, Philippe VI, d’un geste, disperse cette coalition. Il est si bien parti qu’il trouvera encore le moyen d’acquérir Montpellier et le Dauphiné, d’où les fils aînés des rois de France prendront le titre de dauphins. Le comte de Flandre est cette fois bon Français et ses Flamands, insoumis, sont battus à Cassel (1328). L’Angleterre n’a pas d’alliés. Si les marchands de laine anglais veulent entrer en France, il faudra qu’ils se résignent à prendre eux-mêmes le harnois.

On voit la liaison des événements depuis Philippe le Bel. Le grand conflit tourne toujours autour de la Flandre. Par la Flandre, l’Anglais cherche à nous atteindre et nous cherchons à atteindre l’Anglais. On n’éclaircit pas les causes de nos prochains désastres lorsqu’on accuse Philippe de Valois d’avoir été un féodal, un réactionnaire entêté de chevalerie. Édouard III, lui aussi, suivait les traditions, les symboles et les usages chevaleresques : on lui « présenta le héron » avant son départ pour la France et l’on sait son mot, à Crécy, sur les éperons du