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CHAPITRE VI

LA GUERRE DE CENT ANS ET LES RÉVOLUTIONS DE PARIS


À cet endroit de notre histoire nationale, tournons la tête en arrière. En trois siècles et demi, avec des moyens d’abord infimes, les Capétiens sont arrivés à des résultats considérables. La France qu’ils ont formée a déjà grande figure. Ce n’a pas été commode tous les jours. Il s’en faut de beaucoup que nos rois aient fait tout ce qu’ils auraient voulu. Parfois ils se sont trompés, n’étant pas infaillibles. Souvent aussi, ils ont rencontré la résistance du dehors, et celle, non moins redoutable, du dedans. Le sentiment de l’intérêt général n’était pas plus répandu dans ces temps-là que de nos jours et les intérêts particuliers ne s’immolaient pas plus volontiers qu’aujourd’hui.

Un concours de circonstances favorables avait permis de conjurer le péril anglais et le péril allemand. L’Allemagne et l’Angleterre avaient été divisées, diverties, rendues inoffensives par des luttes intérieures auprès desquelles les nôtres n’étaient rien. Pour longtemps encore, l’Allemagne est hors de cause. Il n’en est plus de même de l’Angleterre. La folie furieuse des Plantagenets, l’agitation des barons pour obtenir la Charte, le mécontentement, si tragiquement terminé, contre Édouard II : ces circonstances avaient affaibli la royauté anglaise. Elles avaient permis aux Capétiens de refouler dans le Sud-Ouest l’État anglo-normand déchu de sa splendeur. Mais, de sa dernière crise, la Monarchie anglaise sortait plus forte. On eût dit qu’elle s’était retrempée dans le régicide. L’Angleterre, avec Édouard III, a un gouvernement. En outre, elle est devenue un pays d’industrie et de commerce qui a besoin de marchés et de colonies. La France est à portée de sa