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C’était aussi cette entreprise extérieure, longue et coûteuse, qui l’avait conduit à multiplier les impôts impopulaires. Les gouvernements en reviennent toujours aux mêmes impôts quand le trésor a de grands besoins : la maltôte était notre taxe sur le chiffre d’affaires. Ils recourent aux mêmes expédients : la fabrication artificielle ou l’altération de la monnaie, qui ont la vie chère pour conséquence. On vit sous Philippe le Bel ce que nous avons vu, jusqu’à une loi sur les loyers. Les Français d’alors supportaient fort mal ces inconvénients. Il y eut à Paris des émeutes où le « roi faux monnayeur » fut en grand danger. Comment expliquer aux gens que la quantité de métal précieux retirée des écus représentait le prix qu’avait coûté la formation de la France ? La livre, qui était une livre d’or sous Charlemagne, n’est plus de nos jours qu’un morceau de papier. La différence représente ce que nous avons dépensé pour devenir et rester Français.

Philippe le Bel, pour trouver de l’argent, s’adressa à ceux qui en avaient et que l’opinion publique l’engageait à frapper. Il mit de lourdes taxes sur les marchands étrangers et sur les Juifs qui faisaient le commerce de la banque. Est-ce aussi pour se procurer des ressources qu’il détruisit l’ordre du Temple ? Oui et non. Le procès des Templiers se rattache au conflit avec Boniface VIII. L’Ordre n’était pas seulement riche. Il était puissant. C’était déjà un État dans l’État. Et il était international. En prenant parti pour Boniface VIII, il avait menacé l’unité du royaume. Le procès des Templiers, qui eut un si grand retentissement, fut avant tout un procès politique. Philippe le Bel ne fut si acharné à brûler comme hérétiques de nombreux chevaliers et leur grand maître, Jacques de Molay, que pour donner à cette opération de politique intérieure un prétexte de religion et de moralité.

Ce que nous trouvons sous ce règne, nous le retrouverons à toutes les époques où le péril extérieur, la nécessité de défendre le pays et d’accomplir une grande tâche nationale, ont conduit le gouvernement français à des mesures d’exception et à ne reconnaître pour loi que celle du salut public. Est-ce par hasard qu’on trouve Salus populi sur des monnaies de ce temps ? Il ne faut pas oublier que Philippe le Bel réunit à la France la Champagne, la Marche et Angoulême, Lyon et le Vivarais,