elle n’eût pas déployé ses qualités. À tous les égards, son succès tient à ce qu’elle a été d’accord avec les lois de la nature.
La France avait l’instrument politique de son relèvement. Mais quelle longue tâche à remplir ! Les Capétiens n’allaient pas, d’un coup de baguette magique, guérir les effets de l’anarchie. Le territoire national restait morcelé : il faudra des siècles pour le reprendre aux souverainetés locales. Et l’absence de gouvernement régulier avait causé bien d’autres maux qui, eux non plus, ne seraient pas guéris en un jour. L’écroulement de la Monarchie carolingienne avait produit les effets d’une révolution. Presque tout le capital de la civilisation s’y était englouti. Les famines, les épidémies se prolongèrent jusqu’au siècle suivant. Les conditions de la vie étaient devenues si terribles qu’elles ont donné naissance à la légende d’après laquelle les hommes de ce temps-là auraient attendu la fin du monde, et, croyant que l’an 1000 ne pouvait être dépassé, auraient, dans une sorte de folie collective, renoncé au travail et à l’effort. On a exagéré, on a généralisé abusivement quelques passages de vieilles chroniques. La vie ne fut interrompue nulle part. Mais les hommes avaient beaucoup souffert. Il en resta un grand mouvement mystique, tout un renouveau de l’esprit religieux. L’Église en profita pour imposer les règles qui limitaient les guerres privées et le brigandage : ce fut la trêve de Dieu. En même temps, la chevalerie était instituée. Les devoirs de l’homme d’armes, l’honneur du soldat : ces idées étaient en germe dans la féodalité, fondée sur l’idée de protection. L’Église les exalta et les codifia. Bientôt ce renouveau de la vie spirituelle donnera naissance aux Croisades, dérivatif puissant, par lequel l’Occident, depuis trop longtemps replié sur lui-même, enfermé dans les horizons bornés de sa misère matérielle et politique, préparera sa renaissance en reprenant contact avec le monde méditerranéen et l’Orient, avec les vestiges de l’antiquité et d’une civilisation qui ne s’oubliait pas.