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et au concours de circonstances qu’il a fallu pour amener les grands événements de l’histoire. Presque rien de grand ne se fait vite. Il faut vaincre des traditions, des intérêts. Il faut aussi pouvoir durer. Si les Robertiniens, descendants de Robert le Fort, ne s’étaient maintenus solidement dans leurs domaines, si la mort était venue frapper leur famille comme elle a frappé, par exemple, la famille de Louis XIV, il n’y aurait pas eu de Monarchie capétienne. Et les témoins de la longue rivalité qui mit aux prises les Robertiniens et les Carolingiens ne pouvaient savoir non plus de quel côté pencherait la balance. Un moment, il fut permis de croire que l’héritier de Charlemagne l’emporterait. À force de patience, à force d’attendre le moment sûr, les Robertiniens avaient failli tout gâter. Hugues le Grand se contentait de protéger les Carolingiens, de les faire rois, comme les Pipinnides, autrefois, s’étaient abrités derrière les Mérovingiens fainéants. Quand ce faiseur de rois mourut, le Carolingien, Lothaire, était un enfant, mais cet enfant allait être un homme ambitieux et actif.

Hugues le Grand était mort en 956. Il laissait son duché à Hugues Capet. Il s’en fallait de beaucoup que celui-ci n’eût qu’à prendre la couronne royale. Avec Lothaire, la vieille dynastie se ranime. Lothaire veut ressaisir l’autorité, reconquérir son royaume. Il retrouve son prestige en délivrant Paris d’une invasion allemande. S’il eût vécu davantage, qui sait s’il n’étouffait pas la chance des Capétiens ? Il mourut, quelques-uns disent empoisonné, en 986. Son fils Louis ne régna qu’un an et fut tué dans un accident de chasse. Il n’y avait plus de Carolingien qu’un collatéral, Charles de Lorraine. Hugues Capet tenait l’occasion que sa famille attendait depuis la mort d’Eudes, et lui-même depuis trente années.

L’affaire n’allait pas toute seule. Hugues trouva heureusement un allié. Adalbéron, archevêque de Reims, avait eu de graves difficultés avec Lothaire qui l’avait accusé de trahison. Son procès durait encore. Hugues fit proclamer son innocence à l’assemblée de Senlis, et, séance tenante, Adalbéron, acquitté, proposa que le duc de France fût nommé roi à titre provisoire. Une autre assemblée fut convoquée à Senlis pour l’élection définitive. Adalbéron soutint que Charles de Lorraine n’avait pas de droits au trône pour diverses raisons dont