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quatre siècles, l’idée de l’État n’aura pas péri et les Capétiens pourront la reprendre. La tradition romaine n’aura pas été rompue. Sans les Mérovingiens, tout ce qui a été fait plus tard pour constituer la France n’eût pas été possible, ou du moins, eût rencontré plus de difficultés.

L’aîné des fils de Clovis, Thierry, reçut, avec l’Austrasie ou pays de l’Est, la majeure partie de l’Empire franc : Metz en était la capitale. C’en était aussi la partie la plus exposée aux retours offensifs des Allemands, des Burgondes et des Goths, et Thierry fut avantagé parce qu’étant arrivé à l’âge d’homme c’était le plus capable de défendre le territoire. Ses frères adolescents s’étaient partagé la Neustrie ou pays de l’Ouest, les pays uniquement gallo-romains. On voit tout de suite que le roi d’Austrasie devait être le plus influent parce qu’il conservait un point d’appui chez les Francs eux-mêmes et dans la terre d’origine des Mérovingiens. Ayant un pied sur les deux rives du Rhin, il protégeait la Gaule contre les invasions germaniques.

Les héritiers de Clovis furent à peu près d’accord, si l’on passe sur quelques drames de famille, tant qu’il s’agit de continuer Clovis. Il y eut là une quarantaine d’années d’expéditions brillantes, jusqu’en Espagne et en Italie, destinées à protéger les frontières du royaume mérovingien, tout un raccourci de notre histoire future, toute une épopée militaire qu’on s’est racontée aussi longtemps que l’épopée napoléonienne, jusqu’au jour où elle est tombée dans l’oubli. Mais, à la mort de Théodebald, fils de Thierry, de terribles dissentiments éclatèrent dans la descendance de Clovis. Austrasiens et Neustriens se battirent pour la prééminence. Il s’agissait de savoir qui commanderait. Les luttes dramatiques de Chilpéric et de Sigebert, l’interminable rivalité de Frédégonde et de Brunehaut, n’eurent pas d’autre cause. C’étaient des partis qui se déchiraient et toute idée de nationalité était absente de ces conflits.

Après cette longue guerre civile, l’empire des Francs se trouva réuni dans une seule main, celle de Clotaire II. Mais l’Austrasie, la Bourgogne et la Neustrie avaient gardé chacune une administration distincte et, par l’effet des désordres, l’autorité royale s’était affaiblie, dépouillée. Grands et petits, laïcs et religieux lui avaient arraché des « immunités ». Le pouvoir