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contenter du Luxembourg, Bismarck, au Parlement du Nord, s’était fait interpeller par un député à sa dévotion, Bennigsen, et tout le parti libéral, déjà beaucoup plus national que libéral, avait déclaré que l’Allemagne ne pouvait pas céder une « forteresse germanique ». Bref, l’empereur avait été repoussé avec pertes sur tous les points. La Prusse était devenue une puissance redoutable. Voilà ce que la France avait gagné à la politique de Sadowa.

Ah ! certes, ce n’était pas cela que les Français avaient rêvé lorsqu’ils avaient acclamé le neveu de « l’autre » ! L’Empire s’achevait dans le désenchantement avant de finir par une catastrophe. Ses trois dernières années avaient été lamentables, passées à la recherche d’une politique nouvelle, depuis que la formule magique des débuts, « la gloire et les nationalités », avait fait faillite. Renversant sa méthode, l’Empire se faisait libéral au dedans et conservateur au dehors. Il promettait de n’abandonner jamais le pape et Rome. Il faisait de tardives avances à l’Autriche qui se contentait de compter nos régiments et nos canons. Cependant, à l’intérieur, il s’avançait encore de quelques pas vers le régime parlementaire. C’était le contraire des débuts du règne, lorsque l’Empire, autoritaire à l’intérieur, était libéral et révolutionnaire en Europe. Quoi qu’en dise un préjugé très répandu, le peuple français est si facile à gouverner que cette politique de bascule le trouvait complaisant. Au plébiscite de mai 1870, plus de sept millions de voix avaient dit oui. Un million et demi seulement avaient dit non. Après tant de déboires, sept millions d’approbateurs donnaient une fière idée de l’accoutumance des Français à leur gouvernement.

Les « sujets de mécontentement » dont parlait Rochefort dans une de ses célèbres Lanternes venaient surtout des déceptions éprouvées. Mais quel programme apportait l’opposition montante de la gauche ? Du moment que l’Empire, chargé d’exécuter le programme européen de la démocratie, expressément créé pour cette tâche, n’était arrivé qu’à des résultats aussi pitoyables, que restait-il à faire ? Il restait à rêver. Il restait à tenir le problème pour résolu, et, sans tenir compte de la réalité, à décréter que l’avenir appartenait à l’alliance et à l’union des peuples. C’est l’idée que Victor Hugo avait exprimée dans le Paris-Guide de 1867. Ce fut celle du nouveau