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en n’intervenant pas, les affaires de l’unité allemande. L’hypothèse de Drouyn de Lhuys n’avait pas compté avec ces deux profonds politiques. Elle n’avait pas compté davantage avec les sentiments et les idées sur lesquels le régime impérial était fondé en France. Drouyn de Lhuys chevauchait une chimère et sa diplomatie avait raisonné dans le vide. Désavoué par Napoléon III, il dut quitter son poste. Alors seulement il comprit que la guerre de Crimée ouvrait la voie à une politique qui allait exactement à l’encontre de celle qu’il avait conçue. Drouyn de Lhuys avait voulu concilier les idées de Louis-Philippe et les idées napoléoniennes, la « résistance » et le « mouvement ». Le mouvement fut le plus fort. Jusqu’où n’a-t-il pas conduit !

Observant le conflit des puissances occidentales avec la Russie, Bismarck avait vu et n’avait pas laissé échapper la chance inespérée d’un relèvement pour la Prusse, humiliée depuis Olmütz. L’Autriche était sur le point de commettre une de ces ingratitudes dont le monde s’étonne moins que ne l’avait pensé Schwarzenberg parce qu’elles sont la monnaie courante de la politique, surtout de la sienne. L’Autriche était toute prête à se tourner contre le tsar qui, cinq ans plus tôt, l’avait sauvée de la révolution hongroise. Comme l’âne de Buridan, l’Autriche, au dix-neuvième siècle, hésitait entre deux tentations, ne sachant si elle devait remonter le Danube ou le descendre. Il lui plaisait fort, à ce moment-là, d’en écarter la Russie à peu de frais et à peu de risques en se joignant à la France et à l’Angleterre. Et elle eût aimé entraîner avec elle la Confédération germanique qu’elle semblait encore diriger. Mais l’Allemagne ne se souciait pas de la suivre et, de plus, les Cours secondaires étaient attachées au tsar. Grâce à Bismarck et à son coup d’œil, la Prusse prit la tête de la résistance à la politique autrichienne, s’assurant ainsi, à la fois, par un beau coup double, la reconnaissance des Allemands et celle d’Alexandre II. Cela devait se retrouver en 1870. C’était un bon placement diplomatique.

Napoléon III en fit un mauvais. L’Autriche lui offrait alors son alliance, une « alliance perpétuelle », disait à Drouyn de Lhuys le jeune Habsbourg. François-Joseph est mort au milieu d’une guerre conduite contre nous en commun avec la Prusse,