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CHAPITRE VI

DE LA BARRICADE DE BAUDIN À LA GUERRE CONTRE LE TSARISME


« Louis-Philippe avait cru qu’il suffisait de respecter cette forme du droit qu’on nomme la légalité pour conserver son trône et son pouvoir. Il y a deux mois, au contraire, qu’est-ce qui s’est passé ?… Il est vrai que Louis-Napoléon n’a pas observé la Constitution. Et cependant qui donc s’est levé pour défendre la Constitution, la Presse, l’Assemblée ? Quant à la France, loyalement interrogée, elle a répondu par sept millions cinq cent mille suffrages que Louis-Napoléon, en faisant tout cela, avait bien fait. »
Histoire complète et authentique de Louis-Napoléon Bonaparte, depuis sa naissance jusqu’à ce jour,
par MM. Gallix et Guy, 1852.


J’AI si souvent entendu raconter le coup d’État et la mort de Baudin, que je vois la scène du vieux faubourg comme si j’y avais été. Mon père, enfant, était alors à l’institution Fontaine, d’où les élèves étaient conduits au lycée Charlemagne. Le 3 décembre 1851, en sortant du lycée pour rentrer à la pension, les collégiens virent des barricades dans la rue Saint-Antoine. Mon père et un camarade ne voulurent pas manquer un si beau spectacle. Quittant les rangs à l’insu du maître d’étude, ils se promenèrent en curieux à travers le faubourg. Ils passèrent près de la poignée de députés qui, Schœlcher en tête, protestaient vainement contre le césarisme et les prétoriens, et qui crurent leur dernière heure venue lorsque la troupe chargea à la baïonnette mais les voltigeurs, débonnaires, dispersèrent les représentants du peuple sans leur faire de mal.