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puisque les Allemands eux-mêmes se chargeaient d’écraser dans l’œuf le « militarisme prussien ».

Cependant le roi de Prusse, effrayé, prenait les devants. Il s’humiliait à Olmütz. Mais, comme l’Autriche restait exigeante, posait des conditions telles que la Prusse allait se voir contrainte d’accepter un combat qui eût certainement mal tourné pour elle, l’empereur de Russie intervenait. Il obligeait les deux camps à accepter une médiation impérieuse, en sorte que Frédéric-Guillaume s’en tirait à bon marché, encore que l’humiliation fût cuisante. Quant à l’Autriche et aux Cours moyennes, elles étaient frustrées et jouées. Elles voyaient s’échapper une espérance qu’elles avaient tenue à portée de la main. Seize ans plus tard, le même conflit devait éclater, mais, cette fois, dans des circonstances favorables à la Prusse encore servie par le tsar, qui, au lieu d’intervenir, s’abstiendrait comme la France elle-même, en sorte que la lutte se terminerait par la défaite de l’Autriche à Sadowa et l’abdication des États du Sud. Beust, dernier représentant de la politique particulariste, pressentait ces suites funestes. Et voilà ce qui donnait un épanchement de bile au ministre de Saxe et lui faisait dire qu’il avait perdu la partie avec « dix-huit à point ».

Aujourd’hui qu’il est trop tard, que le mal est fait et que les conséquences en ont éclaté avec fureur, on voit les Alliés épier les moindres signes de division du monde germanique. Si l’Allemagne du Sud allait se lasser, l’Autriche s’affranchir ?… Sero medicina paratur. Le remède est venu trop tard. Qui plus est, on a destiné à l’Allemagne adulte le remède qui eût convenu à sa gourme. À deux reprises, au milieu du siècle dernier, l’histoire a offert aux nations l’occasion d’en finir avec la Prusse, de s’épargner à elles-mêmes le fléau qui les frappe aujourd’hui : autant d’occasions perdues. Contre la Prusse, les États allemands, en 1850, ne demandaient même pas à être aidés ils demandaient à l’Europe de les laisser faire. Loin de recevoir un signe d’encouragement, leur action aura été arrêtée. Ils étaient prêts quand nous ne l’étions pas. Comment s’étonner qu’ils ne le soient plus quand nous le sommes ? Depuis, les choses ont marché.

Cette année 1850 partage l’histoire comme elle partage le siècle. L’abstention des puissances qui tenaient entre leurs