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très authentique que professaient les députés allemands réunis à Francfort. Mais l’erreur était de croire qu’ils songeraient avant tout à s’organiser en démocratie sur le type français. L’erreur était de ramener la France et l’Allemagne au même dénominateur. La France était une. L’Allemagne avait à faire son unité. Les patriotes allemands étaient libéraux, quelques-uns même républicains : le particularisme consacré par les traités de 1815 était l’obstacle qui se dressait sur la route de l’unité allemande, et, pour abattre le particularisme, il fallait passer sur le corps des vingt et quelques dynasties qui se partageaient l’Allemagne. En d’autres termes, il fallait une vaste révolution, un mouvement général éclatant et réussissant simultanément à Berlin, à Munich, à Dresde et à Vienne même. Car l’unité que voulaient les libéraux de Francfort était bien plus étendue que celle que devait réaliser Bismarck. Ils revendiquaient tous les pays de langue germanique avec leurs dépendances historiques ou politiques. Ils rêvaient, ces démocrates, ce qu’a rêvé Guillaume II : la reconstitution du Saint-Empire. Ils n’ont pas été les précurseurs du pangermanisme ; ils ont été le pangermanisme lui-même. S’ils ne demandaient pas l’Alsace, ils y pensaient au fond de leur cœur. Mais déjà ils voulaient mettre la main sur le Sleswig-HoIstein, et la guerre des Duchés, la spoliation du Danemark ont été inspirées à Francfort. Le principe des nationalités, le droit naturel, la liberté des races, le « teutonisme », comme on l’appelait alors, les revendiquait aussi, mais il s’en armait contre le petit peuple danois. Le Parlement francfortois poussa la Prusse à s’emparer du Sleswig. Et quand les puissances intervinrent, reconnaissant, sous les principes libéraux, le droit du plus fort, ce fut un long cri de déception et de rage chez les députés allemands. À partir de ce jour, le libéralisme germanique fut virtuellement acquis à la force, et la force, c’était la Prusse.

Déjà prussien au point d’offrir à Frédéric-Guillaume une couronne impériale élective, le Parlement de Francfort avait indiqué les grandes lignes de la politique que les Hohenzollern allaient suivre vis-à-vis de l’Autriche. Ou bien l’Autriche devait entrer dans l’Allemagne nouvelle comme une égale entre des égaux, ou bien, si elle prétendait à des privilèges, à une suprématie, elle serait expulsée de la Confédération : de