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CHAPITRE III

SOUS LOUIS-PHILIPPE, LA FRANCE S’ENNUIE D’UNE LONGUE PAIX


« Il est curieux de voir combien cette monarchie, créée par la bourgeoisie et par la finance, jette peu de perturbations dans les affaires commerciales. Le 24 juillet 1830, trois jours avant la révolution la rente est à 105 fr. 15 ; le 22 août, trois jours après l’installation de la monarchie, elle est à 104 fr. 40. La monarchie de droit divin, en s’écroulant, a produit une baisse de 75 centimes. »
Histoire de la vie politique et privée de
Louis-Philippe
, par Alexandre Dumas
.


LES doctrinaires et la bourgeoisie n’eussent pas réussi le coup de Juillet sans le concours du peuple qui, d’ailleurs, ne voulait pas la même chose qu’eux. Ce malentendu initial condamnait d’avance la monarchie de Louis-Philippe.

Thiers, Guizot, Mignet et les autres beaux esprits de 1830 avaient fait un raisonnement naïf. Hantés par l’histoire d’Angleterre, ils avaient cru pouvoir recommencer la substitution dynastique de 1688 et, en fondant une monarchie nouvelle où le roi régnerait sans gouverner, assurer le triomphe des classes moyennes en même temps que celui des idées libérales et du régime parlementaire. Pure construction de l’esprit qui ne tenait aucun compte des réalités humaines. L’élévation politique de la bourgeoisie apparaissait sans doute aux bourgeois comme la consécration de toute l’histoire de France. Et ils ne se doutaient pas que cette suprême justice ne dût aussi contenter les prolétaires, puisque l’accès du tiers état était libre, que le droit d’ascension était ouvert à tous, et qu’il suffisait, selon le mot fameux, de s’enrichir pour devenir électeur et