Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE II

LE CANTONNIER DE 1830


« Nous avons chassé le gouvernement des Bourbons, non pas parce qu'il nous rendait malheureux, car le peuple ne fut jamais plus heureux que de 1816 à 1829, mais parce qu’il nous avait été imposé par de prétendus vainqueurs, par la force étrangère et par les traîtres de l’Intérieur. »
Étrennes d’un prolétaire,par un
ouvrier imprimeur, 1831.


À la tribune de la Chambre, M. de Serre, ministre de Louis XVIII, saluait un jour la Convention qui avait sauvé la France. Cet homme d’État, qui avait l’esprit national, s’élevait au-dessus des partis. Il eût voulu réconcilier la France de l’ancien régime et la France révolutionnaire. Son programme, digne d’un grand cœur, était de ne rien rejeter, de n’exclure personne, de fonder la politique française, en vue du bien public, sur l’oubli des querelles et sur l’union. Effacer les traces de nos guerres civiles, en finir avec les disputes pour permettre à la France de prospérer et de grandir, ce fut le rêve non seulement de M. de Serre, mais du duc de Richelieu, de Villèle, de Martignac. Était-ce donc impossible ? Tous devaient périr, également victimes de la rage des partis.

La Restauration a eu l’hommage positiviste d’Auguste Comte. Combien parmi ceux qui avaient détruit ce régime l’ont regretté ! Je ne parle pas des royalistes « ultras » dont la folie furieuse, l’absence totale de sens politique devaient être funestes à la monarchie : fidèles à la méthode de Gribouille, ces hommes mêlaient voluptueusement leurs bulletins de vote à ceux de la gauche pour renverser les ministres que leur roi