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nécessaire à un grand déploiement de forces maritimes ; qu’enfin, époux d’une archiduchesse d’Autriche, chef du nouvel empire, on n’aurait rien à envier aux Bourbons. Le diplomate grand seigneur, parlant avec une finesse et une brièveté dédaigneuses, s’exprima comme aurait pu le faire la noblesse française, si elle avait eu à émettre un avis sur le mariage de Napoléon.

Il restait à consulter Murat et l’archichancelier Cambacérès. Murat montra une vivacité extrême et exprima au milieu de ce conseil des grands de l’Empire tout ce qui restait de vieux sentiments révolutionnaires dans l’armée. Il soutint que ce mariage avec une princesse autrichienne ne pouvait que réveiller les souvenirs de Marie-Antoinette et de Louis XVI, que ces funestes souvenirs étaient loin d’être effacés, loin d’être agréables à la nation ; que la famille impériale devait tout à la gloire, à la puissance de son chef ; qu’elle n’avait rien à emprunter à des alliances étrangères, qu’un rapprochement avec l’ancien régime éloignerait une infinité de cœurs attachés à l’Empire, sans conquérir les cœurs de la noblesse française. Il s’emporta même avec toutes les formes du dévouement contre les partisans de l’alliance de famille avec l’Autriche, affirmant qu’une telle alliance n’avait pu être imaginée par les amis dévoués de l’Empereur.

(Thiers, Histoire de l’Empire, livre XIX).