leurs, presque toujours aux mesures prises par l’Allemagne. Elle est restée fidèle, en somme, au principe qui avait présidé à ses origines le principe de résistance, le principe de non-acceptation, en réponse à la volonté expresse de l’Allemagne de dominer toujours par la puissance de ses armes, d’imposer sa volonté en intimidant l’Europe. La provocation ne pouvait pas partir du groupe anglo-franco-russe. Mais l’obstacle que ce groupe opposait à l’hégémonie allemande, les efforts croissants auxquels il obligeait l’Empire, irritaient celui-ci chaque jour davantage. L’Allemagne a tenté dix fois de dissocier la Triple-Entente. En dépit de ses hésitations, de ses faiblesses, de ses lacunes, la Triple-Entente a duré. Plus l’Allemagne s’armait, se montrait menaçante et provocante, plus aussi la Triple-Entente se resserrait. Le jour devait venir où l’Allemagne tenterait de la briser : ainsi, ce qui était fait pour conserver la paix se transformerait en principe de guerre. Telle était encore une des fatalités vers lesquelles l’Europe marchait.
Un État où tout est né de la guerre et fait pour la guerre, dont la guerre est « l’industrie nationale », n’en court pourtant pas le grand risque sans qu’un ensemble de circonstances se soit produit qui l’y ait déterminé. L’Allemagne a peut-être laissé passer, pour sa guerre préventive contre la Russie, sa guerre d’agression contre la France, des occasions meilleures que celle qu’elle a choisie en 1914. Après vingt ans d’un règne pacifique, c’est en 1909, c’est à propos des affaires d’Orient que, pour la première fois, Guillaume II aura pris une attitude nettement belliqueuse. Pourquoi cela ?
Révolution turque de 1908, annexion définitive de la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche, protestation de la Russie, mouvement général du slavisme contre la poussée du monde germanique vers l’Orient : l’enchaînement des causes est certain. Mais il faut remonter plus haut, comprendre que l’Allemagne, au congrès de Berlin, en faisant attribuer la Bosnie à l’Autriche pour acquérir son alliance, en lui accordant une compensation à sa défaite de 1866, s’était engagée pour l’avenir. Cette compensation, il fallait la garantir à l’Autriche, sous peine de voir celle-ci aspirer à reprendre un rôle dans le monde germanique d’où elle avait été expulsée après Sadowa. Or, dans l’entretemps, les peuples balkaniques s’étaient définitivement éveillés