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chesse d’Autriche pour femme au duc d’Orléans. Ce projet du roi devint plus précieux à Thiers qu’au roi et au jeune prince eux-mêmes. Thiers se jura d’y réussir, estimant que, par un début si brillant, son ministère acquerrait et du lustre et de la solidité. Il advint que la cour d’Autriche, sous l’inspiration de Metternich, repoussa, pour beaucoup de raisons, dans lesquelles la hâte excessive de Thiers ne fut pas sans entrer, la demande du fils de Louis-Philippe. Thiers en fut plus mortifié que personne. Cet échec retombait sur lui et sur son ministère. Il en garda rancune à Metternich, et il transforma aussitôt en système politique son amour-propre blessé. Désormais, Thiers se proclamera l’adversaire des puissances absolutistes, se rejettera vers les alliances libérales. Il proposera, par esprit de vengeance, une intervention française en faveur des radicaux espagnols. C’est alors que Louis-Philippe, n’hésitant pas à se découvrir encore une fois, cassera Thiers comme il avait cassé le duc de Broglie, pour sauvegarder l’intérêt du pays.

Tout le règne de Louis-Philippe s’écoula ainsi en luttes entre le roi d’une part, les parlementaires et l’opinion de l’autre, — les parlementaires égarés par leur esprit de système, leur esprit de parti, leur ambition personnelle, l’opinion abusée par de creuses déclamations sur les peuples opprimés et la solidarité révolutionnaire. Pendant ces dix-huit années de combat, les années où prévalurent les avis de la couronne (du Château, comme disait la satire) furent aussi les meilleures. Mais personne, même parmi ceux qui l’avaient fait roi, n’en sut gré à Louis-Philippe, personne ne voulut comprendre la sagesse et la prévoyance de sa politique. On vit, en 1839, une des manifestations les plus significatives de toute la vie parlementaire de la monarchie de Juillet les chefs de groupe et de clan évincés, toutes les illustrations avides de pouvoir, tous les amours-propres blessés s’unirent alors pour arracher au roi la direction des affaires. Ce fut la coalition menée par Broglie, par Thiers et par Guizot. Ainsi ces trois hommes politiques ont pris, à doses égales, leur part de responsabilité dans l’événement international de 1840, si grave pour la France, qui se préparait. Comme sous la Restauration, la politique étrangère elle-même, elle surtout, fut l’arme dont les partis se servirent contre la couronne. Molé succomba à l’« immorale et funeste