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CHAPITRE V

« LA POLITIQUE QUE LE PEUPLE ÉLABORAIT DEPUIS 1815 » NOUS CONDUIT À SEDAN


La Confession d’un enfant du siècle, d’Alfred de Musset, a fixé l’image de la « génération ardente, pâle, nerveuse », des Français « conçus entre deux batailles » et qui arrivaient à l’adolescence au moment de Waterloo. Cette France-là a souffert de ce qu’on a justement appelé « la maladie de 1815 ». Ce mal, si pareil au fameux mal romantique, tenait aux mêmes causes. Il était fait d’aspirations vives et confuses, où se mêlaient les traditions de gloire et de liberté, les souvenirs de la Révolution et de l’Empire, l’ébranlement laissé dans toutes les fibres par les aventures prodigieuses que la France venait de courir pendant vingt-cinq ans. L’accablement de la défaite finale ajoutait à cet état de la sensibilité un élément d’amertume et de révolte. Entre ce mélange d’enthousiasme et de névrose et le réalisme des hommes politiques de la Restauration, un malentendu ne pouvait manquer de se produire. Sur ce malentendu, la tentative de renouer la confiance entre la France et les Bourbons allait échouer.

La monarchie, après avoir relevé la France qu’elle avait retrouvée si bas, pouvait compter sur la possibilité de poursuivre sa tâche, sinon sur la reconnaissance des Français. Elle n’eut pas besoin de cette récompense pour travailler au bien public. Jamais un mot d’amertume n’a échappé aux Bourbons. Charles X, ce roi diffamé, et dont M. Emile Ollivier a pu dire qu’il était « passionné pour le relèvement national », a repris le chemin de l’exil sans avoir manifesté l’ombre de la douleur étonnée qu’exprimait Villèle lorsqu’il constatait que la Restau-