Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grande Allemagne. En prenant parti pour la Saxe, au nom du principe de légitimité, habilement retourné contre les alliés, à qui il avait servi de prétexte contre la France révolutionnaire et napoléonienne, le roi de France avait retrouvé du même coup la haute situation européenne de ses prédécesseurs. Il était apparu comme le protecteur et le syndic des États moyens ou petits, et avait tout de suite groupé autour de lui une clientèle et des alliés, reconstitué l’ancien système diplomatique de la France. Ayant éventé l’ambition de la Prusse, le Bourbon réussit à déjouer les desseins du Hohenzollern. Grâce à lui, quand il s’agit de donner un statut à l’Allemagne, le principe de l’Indépendance et de la souveraineté des États germaniques, établi par les traités de Westphalie, fut ratifié à Vienne. C’est-à-dire que l’Allemagne, — chose essentielle, — resta divisée. Malheureusement, il n’était plus possible de revenir sur les simplifications et les agglomérations opérées en 1803 et en 1806. Au lieu de plusieurs centaines d’États souverains, il n’en resta qu’une quarantaine. Au lieu d’être morcelée à l’infini, l’Allemagne fut désormais distribuée en un certain nombre de grandes provinces. Mais ces provinces se gouvernaient elles-mêmes, n’avaient pas de chef commun. Le lien fédératif qui les unissait était aussi lâche, aussi ténu que celui du Saint-Empire. La Diète de Francfort, qui en était l’expression, fut le théâtre des querelles et des rivalités du particularisme, fit le désespoir et la honte des patriotes allemands unitaires. L’unité allemande, un moment apparue à leurs yeux, était de nouveau rendue impossible. La république germanique reconstituée à Vienne devait être, jusqu’en 1866, notre sauvegarde du côté du Rhin. On a beaucoup dit et l’on répète encore que les traités de 1815 avaient foulé aux pieds les droits des peuples, qu’ils respiraient l’esprit réactionnaire de Metternich. Dans l’intérêt bien entendu de la France, on doit juger que Metternich avait du bon, puisque le peuple le plus lésé à Vienne était en définitive celui qui ne devait arriver à la plénitude de ses droits que pour attenter à l’existence des autres nations.

Si quelqu’un devait se plaindre des traités de 1815, c’était assurément la Prusse. Non seulement elle n’avait pas obtenu que la France fût partagée, comme elle l’avait demandé avec insistance, mais encore elle ne recevait pas le prix qu’elle avait