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seulement subsistèrent entre plus de cinquante. C’était, en Allemagne, comme l’a très bien dit Alfred Rambaud, une véritable révolution qui reproduisait tous les principes de la nôtre. « La révolution de 1803 en Allemagne fut relativement aussi radicale que la Révolution française. À Ratisbonne comme à Paris, on avait détruit la noblesse souveraine, les municipalités indépendantes. À Ratisbonne comme à Paris, on avait sécularisé les biens ecclésiastiques. À Ratisbonne comme à Paris, on avait réalisé plus d’unité et de centralisation. » Mais, desséchant en France, le mouvement centralisateur fut bienfaisant pour l’Allemagne, la rapprocha de la forme d’un État véritable. Trois ans plus tard, Austerlitz donnait à Napoléon l’occasion d’achever son œuvre. Cette nouvelle victoire de nos armes marquait une nouvelle étape de l’Allemagne dans la voie qui devait la tirer du morcellement et de l’anarchie. L’Empereur croyait faire de la grande diplomatie. En réalité, il obéissait à des préceptes d’école, à l’ensemble des sentiments et des idées qu’il avait respirés dans l’air de sa première jeunesse. Il continuait, il menait à terme la politique extérieure qu’il avait héritée de la Révolution, le système des conquêtes excessives et brutales qui devaient être achetées aux dépens des plus faibles en faisant les puissants plus forts.

Le recès ou remaniement de 1806 donnait ou peu s’en faut, à l’Allemagne la physionomie qu’elle devait conserver au dix-neuvième siècle. Par la médiatisation d’innombrables petites souverainetés fondues dans d’autres agrandies, il n’y laissait que la trentaine d’États qui, à quelques changements près, devaient former de nos jours l’Allemagne unie sous la domination de la Prusse : tel fut le fruit d’Austerlitz !

Ce n’était pas seulement la Constitution territoriale qui était bouleversée. C’était aussi la Constitution politique : avec Austerlitz, tombe le Saint-Empire. Les Habsbourg ne seront plus empereurs en Allemagne, sans doute, et le vœu de l’opinion française, lorsqu’elle s’exaltait en 1741 à l’idée d’anéantir la maison d’Autriche comme puissance germanique, ce vœu se trouvera comblé. Il n’y aura même plus d’empereur du tout, ou plutôt, l’empereur, ce sera Napoléon, successeur de Charlemagne, qui se flattera d’avoir reconstitué l’empire carolingien, qui se fera même roi d’Italie, qui appellera son héritier roi de