des politiques du dix-septième siècle, il fallait que ces « grandes traditions » auxquelles on se vantait d’être retourné fussent singulièrement méconnues. En effet, Sieyès défaisait avec conscience tout ce que les traités de Westphalie avaient établi. Il unissait ce qu’ils avaient divisé. Il annonçait surtout la politique qui devait être celle des Napoléons, la politique des « grandes agglomérations », dont la Convention et le Directoire avaient jeté les bases en achetant l’extension territoriale de la France sur le Rhin au prix de « compensations » données aux principales puissances germaniques. Cette politique précipitait les étapes, mettait les bouchées doubles : elle annexait, mais trop vite, d’une façon précaire, imprudente et coûteuse, sans calculer les contre-coups de l’opération. Tout ce que l’expérience avait déconseillé à la diplomatie de l’ancien régime, la diplomatie du régime nouveau le reprenait comme des inventions de son génie. Un agent de la monarchie, formé à l’école de Vergennes et qui avait continué de servir la France après la mort de Louis XVI, Barthélemy, prévoyait presque seul ce qui devait sortir de cet agrandissement des plus forts aux dépens des faibles. « Alors », disait-il, mais en vain, « le système qui menace l’Europe des plus grands dangers se réalisera promptement, savoir : la destruction et l’envahissement de tous les petits États. L’Europe sera plus asservie que jamais, les guerres plus terribles, tout sentiment de liberté plus comprimé. » En récompense de ces avertissements, dont nous éprouvons aujourd’hui la justesse, mais qui sentaient leur ci-devant d’une lieue, Barthélemy, réputé réactionnaire, devait, peu de temps après, être déporté à la Guyane.
Bonaparte professait un violent mépris pour l’idéologie de Sieyès. C’est pourtant le grand projet de remaniement du Corps germanique conçu par cet idéologue que réalisa Napoléon. Ses victoires lui servirent à modeler l’Allemagne sur un plan qui faisait pressentir une reconstitution de l’unité allemande, ouvrait la voie à cette unité. Par le « recès » de 1803, résultat de la victoire de Hohenlinden, Bonaparte portait le premier coup dans l’édifice élevé en 1648. Il simplifiait considérablement le système fédéral du Saint-Empire par la sécularisation de presque toutes les principautés ecclésiastiques et la suppression de la plus grande partie des villes libres, dont six