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Ainsi la Révolution et l’Empire prétendaient mieux faire que la monarchie, ou plutôt restaurer dans sa pureté l’ancienne politique nationale et royale antérieure à 1756. C’est en ce sens qu’on a pu dire que la Révolution avait « continué » l’ancien régime. Elle l’a continué, sans doute, mais à contre-sens, entêtée dans la lettre d’une tradition dont elle ne comprenait pas l’esprit. Par elle fut compromise de la manière la plus grave l’œuvre accomplie, gâché le résultat des efforts heureux poursuivis par plusieurs générations de Français. Dans le réseau subtil et complexe des traités de Westphalie, elle jeta son principe unitaire. Par son propagandisme, elle éveilla en Allemagne l’idée de nationalité. Par ses annexions brutales et sans mesure, par les vexations de la guerre et de la conquête, elle fit oublier le règne pacifique de l’influence et de la civilisation françaises, engendra des besoins de vengeance. Elle accomplit, en résumé, tout ce qu’il fallait éviter avec le plus de soin pour ne pas unir les Allemands contre nous, ne pas ressusciter pour la France le péril d’une grande Germanie.

Toute la politique de la monarchie avait tendu à diviser l’Allemagne et à la maintenir dans une dispersion anarchique. De la mosaïque, la Révolution et l’Empire rassemblèrent les morceaux. Les révolutionnaires, et Napoléon, leur frère en esprit, s’offusquaient de la confusion créée par les traités de Westphalie. Cette confusion, admirée par Oxenstiern, leur parut hideuse, choqua leur manie de l’unité. Dans les libertés germaniques, dans la bigarrure des principautés et des villes libres, ils virent des survivances féodales, odieuses. « Nous ne comprenons rien aux intérêts du Corps germanique, disait Sieyès au Prussien Gervinus ; c’est un chaos qui ne nous présente pas une idée nette et juste. » Surtout Sieyès ne comprenait pas que ce chaos avait été conçu dans l’intérêt de la France et pour le repos de l’Europe. Le fameux fabricateur de Constitutions n’eut de cesse qu’il n’eût mis sur pied un nouveau plan de l’Allemagne, élaboré « une fédération nouvelle, constituée plus sainement et plus vigoureusement que celle que le hasard avait formée dans les siècles gothiques ». Pour que Sieyès attribuât au « hasard » l’œuvre très réfléchie de Richelieu et