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élections du 20 février, Thiers se présente chez Hohenlohe et lui dit avec un mauvais rire : « Eh bien ! nous voilà en pleine révolution. » La mort le guettait, mais il songeait toujours à reprendre le pouvoir et, dans cette vue, il travaillait à s’assurer la sympathie de Bismarck.

Chose à remarquer, bien que Hohenlohe enregistre le fait sans lui consacrer de grands commentaires, c’est Thiers qui lui a présenté son propre ennemi de la veille, Gambetta. Thiers préludait ainsi d’une façon singulière aux négociations de Gambetta et de Bismarck, où Henckel de Donnersmarck devait lui succéder comme intermédiaire. Mais il faut citer d’après Hohenlohe cette présentation historique, en remarquant la date, qui suit de près le 16 mai :

Paris, 3 juillet 1877. — Hier, M. Thiers vint me trouver et me dit : « Voulez-vous venir avec moi aujourd’hui pour causer avec Gambetta ? Il viendra à onze heures et demie. » Naturellement, j’acceptai et nous allâmes. Gambetta était déjà là lorsque j’entrai dans le beau cabinet de M. Thiers. Nous nous saluâmes et primes place, Thiers d’un côté, moi de l’autre, Gambetta en face de nous deux. Nous parlâmes de toutes sortes de choses, de la guerre de Turquie, de l’Angleterre, etc… Puis Thiers raconta ses vieilles histoires sur Metternich, Talleyrand et Louis-Philippe. Gambetta et moi nous l’écoutions respectueusement. Je n’ai jamais vu le passé et le présent incarnés comme en ces deux hommes. Gambetta, que ces vieilles histoires ont dû médiocrement intéresser, écoutait avec l’attention d’un fils et montrait le plus vif intérêt. Je profitai d’un silence pour l’interroger sur les perspectives des élections. Il affirma que depuis 1789 il n’y avait pas eu d’élections aussi graves, que la France était résolue à abattre les ennemis de la République