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la chute (comme en témoigne M. de Gontaut-Biron) avait consterné les cercles politiques de Berlin : Adolphe Thiers[1]. Le 16 juillet, Hohenlohe note sur ses carnets :

Ce matin, visite chez Thiers. Il commença par me dire qu’il avait eu l’idée de me rendre visite pour m’exprimer la part qu’il prenait à l’attentat (de Kulmann sur Bismarck). Il y avait longtemps qu’il était lié avec le prince de Bismarck, et les négociations de paix avaient encore accru chez lui ce sentiment d’amitié. Le prince lui avait beaucoup facilité les choses et modéré autant que possible les conditions.

« Je ne dis pas cela à mes compatriotes qui trouvent que l’on a été beaucoup trop dur », ajouta-t-il. Mais telle était son opinion. Et de là sa gratitude pour Bismarck.

Cette gratitude de Thiers, c’est au moins quelque chose d’inattendu. Mais les Mémoires du prince de Hohenlohe nous en apprennent bien d’autres. On y voit que des relations cordiales s’établirent dès ce moment entre Thiers et l’ambassadeur d’Allemagne. Bientôt après, cette intimité était même rendue publique par la présence, « au grand étonnement de tous », note le prince, de M. et de Mme Thiers à une réception de l’ambassade. Hohenlohe, de ces premières conversations, ne rapporte que peu de choses.

  1. Hohenlohe note de Berlin, à la date du 19 février 1874, ce résumé d’une conversation qu’il vient d’avoir avec Bismarck : « Le grand reproche que Bismarck fait à Arnim, c’est d’avoir renversé Thiers, ou du moins de ne pas l’avoir soutenu comme il aurait dû. Par une consolidation intérieure, la France serait rendue plus capable de conclure des alliances, ce qui, avec Thiers, était beaucoup moins possible. C’est pourquoi il était utile pour nous que celui-ci restât au pouvoir. » (Denkwürdigkeiten, II, p. 107.)