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avec la France des relations aussi bonnes que possible. Bismarck, attache une importance particulière à ce que la France ne devienne ni trop forte ni capable d’avoir des alliances. Cela est fort bon. Pourtant, il ne serait ni possible ni convenable que nous travaillions nous-mêmes à mettre la France en révolution. Ensuite l’empereur parla des bonapartistes. Le tsar Alexandre et Gortschakoff lui auraient affirmé que ceux-ci gagnaient du terrain… « Pour nous », ajouta textuellement l’empereur, « ce ne pourrait être qu’une bonne affaire si les bonapartistes reprenaient le gouvernement, seulement je ne sais pas comment le jeune homme de dix-huit ans (le prince impérial) gouvernerait un pays comme la France… » — L’empereur en vint alors à me raconter une conversation qu’il avait eue autrefois avec Nigra. Il dit à Nigra, pour que ses paroles fussent répétées à Napoléon III : « Je ne verrai pas l’unité allemande. Mon fils ne la verra peut-être pas non plus. Pourtant elle viendra. Et si Napoléon cherche à l’empêcher, ce sera sa perte. » Cela fut redit à Napoléon, qui fit cette réponse : « Le roi de Prusse se trompe. Je ne commettrai pas cette faute. » — « Et pourtant, conclut l’empereur Guillaume, c’est bien ce qui est arrivé, quoique Napoléon n’ait pas commis « sa faute. »

Il y avait beaucoup de philosophie historique et politique dans la bonhomie du vieil empereur.

Le journal de la mission du prince à Paris, de 1874 à 1885, est la partie la plus développée de ces Mémoires. Elle en est aussi la plus importante. On y trouve des preuves nouvelles de l’appui que prêta Bismarck à l’établissement de la troisième République. On y voit par quelle complicité inconsciente,