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fice de la victoire ne consiste pas à arracher au vaincu des provinces et de l’argent, mais à prendre sur lui un tel ascendant qu’il ne puisse plus agir avec liberté, même dans ses affaires intérieures. Ce que Richelieu et Mazarin avaient fait en Allemagne au moyen des traités de Westphalie et de la Ligue du Rhin, Bismarck le recommença pour nous en aidant par l’intrigue et par la menace à la fondation de la République. La constitution de 1875 peut être considérée comme l’acte additionnel du traité de Francfort. Ce n’est pas celui auquel Bismarck tenait le moins.

La République étant, en France, le régime le plus favorable à l’Allemagne, c’était celui que devait appuyer l’ambassadeur allemand pendant tout le temps où la forme du gouvernement serait en question chez nous. Les instructions de Bismarck étaient formelles. Tout patriote français devrait en connaître l’esprit et en graver dans sa mémoire la vigoureuse expression :

Sur la France, note Hohenlohe, le 2 mai 1874, au sortir d’une entrevue avec le chancelier, Bismarck me dit qu’avant tout nous avions intérêt à ce qu’elle ne devînt pas assez forte à l’intérieur ni assez considérée à l’extérieur pour arriver à se faire des alliés. Une République et des discordes civiles seraient une garantie de la paix. Le prince convenait qu’une République forte serait sans doute un mauvais exemple pour l’Europe monarchique. Cependant, si je l’ai bien compris, la République lui paraît moins dangereuse que la Monarchie qui favoriserait à l’étranger toute espèce de désordre… De tous les monarques de France, les Bonaparte sont pour nous les meilleurs. Mais le mieux serait encore que la situation présente pût durer.