Page:Bainville - Bismarck.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

magnifique ». Toute la clairvoyance, tout le réalisme de Bismarck, se manifestaient dans ce magistral exposé de la situation européenne. Il y analysait les forces, les éléments en présence, indiquait leurs combinaisons probables, prévoyait les événements qui devaient en sortir. Il formulait hardiment, en dépit du système de la Sainte-Alliance, toujours en faveur à la cour de Berlin, la certitude d’un conflit entre la Prusse et l’Autriche, conflit favorisé par la politique napoléonienne. « Ma conviction, écrivait-il, est que nous aurons à défendre dans un avenir assez prochain notre existence contre l’Autriche, et qu’il n’est pas en notre pouvoir de prévenir cette collision, parce que la marche des choses en Allemagne ne comporte aucune autre issue. » Et, par un trait qui peint son humeur, il ajoutait à cette prophétie cette anecdote, à ses yeux symbolique : pendant une promenade, quelques jours auparavant, le cheval de l’ambassadeur français avait tout à coup violemment rué dans les jambes de la monture de Rechberg, le délégué autrichien à Francfort. Tel est bien le genre de la plaisanterie bismarckienne.

Bismarck commençait d’être l’homme à qui les faits donnent raison. On l’écoutait à Berlin. On lui faisait : de plus en plus confiance. En avril 1857, lorsque l’affaire des duchés danois et l’incident de Neufchâtel exigèrent une entente avec Napoléon III, Bismarck fut chargé d’aller sonder les dispositions véritables du gouvernement de Paris. Bismarck, durant cette mission, vit plusieurs fois Napoléon III.