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mands. En 1866 encore, et même après Sadowa, — Bismarck lui-même en a fait l’aveu, — 50 000 hommes faisant une démonstration sur le Rhin auraient suffi à paralyser la Prusse. Six mois après, il était trop tard. La face de l’Europe allait changer.

Ce pauvre bonhomme d’About ne comprit tout cela que quand on le chassa de Saverne. Ses domestiques allemands, ses braves paysans allemands, à qui il serrait la main, étaient pour les nationalistes d’outre-Rhin des frères reconquis. About devait écrire Alsace. Cela suffira-t-il pour l’excuser d’avoir, dans Madelon, ignoré que la montée de la nouvelle Allemagne se préparait ?


Voilà de ces questions pour lesquelles la réponse part toute seule. « Ce pauvre homme d’About ! » Le Messager dit bien : tout l’esprit d’About ne fait pas que dans cette affaire il n’ait figure de dupe. Et son livre émouvant d’Alsace, écrit après, ne vaut pas telle page fameuse écrite avant, et où son collègue et son ami Prévost-Paradol prédisait avec tant de certitude le conflit qui devait, cette fois, créer des Allemands.

Quand il n’y avait pas d’Allemagne, il est évident que la France avait une autre situation en Europe que celle que la fondation de l’unité lui a faite. Mais il est également vrai de dire que la langue, la littérature, la civilisation française, gagnaient elles-mêmes en prestige à l’émiettement des États germaniques. Pour ce prestige, pour cette influence, on peut dire que la date fatale, ce n’est pas 1866 ni 1870,