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Vous l’étiez si bien que ces compatriotes français que vous faites profession de chérir si fort vous regardaient eux-mêmes comme des étrangers, comme des Allemands. Qu’avez-vous à répondre à cela ?

Le Messager d’Alsace-Lorraine a répondu très bien, très vite, très aisément.

Qu’Edmond About, rétorque-t-il à l’écrivain de Hambourg, ait nommé les Alsaciens des Allemands, que d’autres l’aient fait comme lui, que les compatriotes de Kléber eux-mêmes aient pris ce nom, cela ne prouve absolument rien en faveur de votre thèse et ne comporte pas les conséquences que vous en tirez. Il y a seulement trente-six ans, au mois de juillet 1870, il n’y avait pas d’Allemagne. L’Allemagne n’existait pas pour les chancelleries d’Europe qui ne connaissaient que la Prusse, la Saxe, la Bavière, le Wurtemberg et une vingtaine de menus États. Le mot allemand[1] avait un sens en géographie, en ethnographie, en linguistique, en littérature, comme les mots scandinave, slave ou celte aujourd’hui. Mais il n’en avait aucun en politique. Edmond About disait très naturellement des Alsaciens que c’étaient des Allemands, et il les nommait ainsi dans ses livres, comme M. Pierre Loti appelle Ramuntcho un Basque et M. Emmanuel Delbousquet ses personnages des Catalans. Personne n’a jamais songé à nier que le dialecte alsacien fût un idiome germanique, ni que les Francs, les Ala-

  1. Allemand, c’est All man, et l’on désigna ainsi dans le monde barbare de l’antiquité un ramassis de Germains sans origines certaines.