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ment et son patriotisme intense aient fait pour la victoire au moins autant que Kant et que Luther, se garde bien de ne pas tenir compte de ces éléments-là. Ainsi le Loriquet de la légende, dont il s’égaye à ses heures, n’avait pas l’imprudence de mettre en doute que Bonaparte eût existé. Seulement il arrangeait la vie de Bonaparte à sa manière. M. Denis en use d’une façon encore plus subtile avec les gênantes réalités de l’histoire. Sans doute, dit-il, la Prusse avait une monarchie réactionnaire, un ministre machiavélique, un caporalisme étroit, un « chauvinisme inférieur ». Mais tout cela, qui, sans doute, engendre les vertus guerrières, « suppose d’ordinaire d’assez graves imperfections morales, la dureté, le mépris du faible et du vaincu, l’hypocrisie aussi ». Dès lors, les « imperfections morales » étant, dans la mythologie de notre professeur, ce qui fait échouer les plans des diplomates et battre les armées, il faut admettre que c’est en dépit de ces imperfections que la Prusse a été victorieuse, et que l’éternelle justice a passé condamnation sur elles, en faveur de l’excellence de la cause prussienne — celle de Luther et de Kant.

M. Ernest Denis, républicain très avancé, ne reproche qu’une chose à la politique étrangère de Napoléon III : c’est de n’avoir pas assez hardiment, de n’avoir pas intégralement appliqué le principe des nationalités. Il fallait que de ses mains, et au besoin du sang de ses soldats, la France aidât à la naissance de l’unité allemande comme elle avait aidé l’unité italienne. Il fallait jusqu’au bout, et quoi qu’il en