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reste, ce sont des prétextes et des excuses pour lui-même et pour la galerie. La vérité est qu’il eût bien mieux aimé ne pas faire tant de concessions à la Bavière ni à personne. Plus tard, il assura lui-même que ces concessions étaient une « fêlure dans l’unité ».

Cette unité, en effet, était chose si extraordinaire, si invraisemblable, que Bismarck ne la trouvait jamais assez solide. Il se souvenait des peines qu’elle lui avait coûtées. Il savait qu’avec un peu de clairvoyance et de décision, qu’avec un pouvoir sérieux et occupé de son intérêt le plus évident, la France aurait pu maintenir l’Allemagne dans son chaos. Bismarck ressemblait à ces gens qui n’en croient pas leur bonheur.

Il se souvenait qu’il avait tremblé jusqu’au dernier jour, jusqu’à l’heure même du triomphe. Au comte Frankenberg partant pour annoncer au Parlement le résultat des pourparlers avec les États du Sud, il faisait cette recommandation : « Surtout, tenez ferme à Berlin ! Si nous n’installons pas cette fois pour de bon l’unité, c’en est fait pour des années. » Bismarck se souvenait aussi qu’à la veille de la proclamation de l’Empire un principicule faisait encore des difficultés : le prince Henri XXII de Reuss déclarait ne reconnaître le titre d’empereur au roi de Prusse que comme « une décoration et pour désigner la dignité de chef de la confédération et l’exercice des droits de présidence ». Bismarck enfin n’avait pas oublié que jusqu’au soir du 18 janvier, jusque dans la galerie des Glaces de Versailles, où l’Empire fut proclamé, il avait trem-