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Vers dix heures, raconte Busch dans son Journal à la date du 22 novembre, je suis descendu pour le thé. Le chef était au salon avec les trois plénipotentiaires bavarois. Au bout d’un quart d’heure il entr’ouvrit la porte, avança la tête d’un air content et, voyant qu’il y avait encore de la compagnie, s’avança vers nous, un verre à la main, et prit place à table.

— « Enfin, le traité bavarois est terminé et signé ! — dit-il avec émotion — l’unité allemande est faite, et l’empereur aussi !… »

Le fidèle Busch ajoute qu’à ce moment il s’empara de la plume qui avait servi à signer ce traité historique. Puis il reprend sa sténographie :

— « Apportez-nous encore une bouteille de ce champagne-ci, dit le chef au domestique. C’est un événement. » Puis, après quelques instants de silence, il ajouta : « Les journaux ne seront pas contents, et celui qui écrira un jour l’histoire à la manière ordinaire pourra blâmer notre accommodement. Il dira : l’imbécile aurait pu demander davantage. Il l’aurait obtenu et il aurait bien fallu que les autres en passassent par là. Il pourrait bien avoir raison en disant qu’il aurait fallu. Mais moi j’avais plus à cœur qu’ils fussent intérieurement satisfaits de la chose. Qu’est-ce qu’un traité quand on le fait parce qu’il faut ?… Et je sais, moi, qu’ils s’en sont allés satisfaits. Je n’ai pas voulu les mettre à la torture ni exploiter la situation. Le traité a ses lacunes, mais il n’en est que plus solide. Je le compte parmi les résultats les plus importants auxquels nous soyons arrivés dans ces dernières années[1]. »

Toute la satisfaction de Bismarck, tout son soulagement, éclatent dans cette dernière phrase. Le

  1. D’après la traduction publiée chez Dentu, 5e édition, p. 272.