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atténué, relégué dans le demi-jour des erreurs de jeunesse et des tempi passati. Mais n’est-ce pas la politique et la diplomatie de Napoléon III qui avaient eu les premiers torts envers M. de Beust ? N’était-il pas suffisamment édifié par les événements de 1866 ? Quel autre à sa place, après une pareille expérience, n’eût pris en dégoût l’amitié française ? C’est sur cette amitié que reposait toute sa politique saxonne, ses plans de résistance de l’Allemagne du Sud à l’ambition et à l’hégémonie prussiennes. Sans la France, tout s’écroulait. Et c’est ce qui arriva par la neutralité de 1866. Abandonné, contre toute attente, par Napoléon III, Beust, à défaut de rancune, sentiment auquel un politique doit être inaccessible, éprouva au moins une de ces déceptions qui abolissent à jamais la confiance.

Jusqu’au dernier moment, Beust avait compté que Napoléon, éclairé par son intérêt propre, interviendrait sur le Rhin. Le lendemain de Sadowa, il arrivait à Paris, espérant, par son action personnelle et ses objurgations, vaincre l’apathie de l’empereur[1]. Beust rapporte qu’il représenta vainement à Napoléon III qu’il était encore temps d’éviter une faute irréparable ; qu’il suffisait de faire avancer sur le Rhin les cent mille hommes du camp de Châlons

  1. On sait que la guerre faillit reprendre, pendant les négociations de Nikolsbourg, qui suivirent Sadowa. L’Autriche refusait d’admettre l’entrée de la Saxe dans la confédération de l’Allemagne du Nord. Sur la seule menace d’une rupture des négociations, la Prusse transigea. Sa politique avait été d’accorder à ses ennemis une paix honorable et rapide, tant elle redoutait les conséquences d’une intervention française, tant il paraissait invraisemblable que cette intervention ne se fût pas produite.