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bismarck

sa misanthropie et cette espèce de névrose qui était la faiblesse secrète du colosse poméranien.

Les Bismarck étaient des hobereaux de caractère rude et violent, grands chasseurs, grands mangeurs, grands buveurs, fidèles serviteurs de la dynastie, soldats par goût et par tempérament. La difficile gestion de leurs biens dans un pays pauvre avait fait de ces gentilshommes fermiers et porchers d’assez bons administrateurs. Autant de traits communs à toute la lignée et dont hérita Bismarck. Sa mère, qui avait du penchant pour le bel esprit, ajouta peut-être à ce patrimoine la rapidité et l’ampleur de l’intelligence. Si l’on dit encore qu’Otto naquit en 1815, qu’il fut élevé dans l’exécration de la France, le souvenir des heures tragiques de la Prusse et l’enthousiasme du relèvement national qui devait finir par le grand mouvement de l’unité allemande, on aura les principaux éléments du caractère et de la personnalité de Bismarck.

Bismarck était un brutal. Il ne montra de douceur qu’à un seul être au monde : sa femme. Mais il faut reconnaître qu’il n’avait guère été dressé à la tendresse. Dès six ans, ses parents s’étaient déchargés du soin de son éducation sur les maîtres d’un pensionnat où les jeunes élèves étaient menés tambour battant. Bismarck garda toujours un mauvais souvenir de l’institution Plamann, où la discipline était de fer et la nourriture spartiate. À douze ans, il change de prison et il entre au gymnase. Là, il a la chance de rencontrer un professeur qui pressent que ce petit garçon sera quelqu’un : « Il avait, a écrit