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pour inaugurer une politique généreuse et libérale, et non une politique d’intérêt. Voici d’ailleurs ce qu’il écrivait de Wilhelmshoehe à la comtesse de Mercy-Argenteau :

L’état de la France est déplorable, et je ne vois pas d’où peut venir le salut, si l’empereur d’Allemagne ne fait pas preuve de cet esprit chevaleresque que tout le monde lui reconnaît. Aujourd’hui que nous sommes complètement vaincus, les intérêts de l’Allemagne se confondent avec les nôtres. Rétablir l’ordre, comprimer l’esprit révolutionnaire, faire renaître la prospérité qui seule peut permettre de payer les frais de la guerre et assurer la paix, tels sont les résultats qu’on doit désirer dans les deux pays.

Si j’étais à la place de l’empereur et que l’Assemblée eût accepté la paix, j’exigerais que le peuple fût consulté pour établir un gouvernement assez fort pour remplir les engagements contractés. Si, au contraire, l’Assemblée repoussait la paix, j’entrerais à Paris à la tête de mon armée ; j’en chasserais les démagogues qui ont usurpé le pouvoir ; je déclarerais ne traiter qu’avec le gouvernement légitime ; je proposerais à ce gouvernement une paix moins onéreuse que celle offerte à l’Assemblée et une alliance basée sur une appréciation équitable des intérêts des deux pays. Resterait à savoir quelles seraient les conditions de cette paix et de cette alliance. Elles ne sont pas faciles à deviner, mais si, les deux parties étaient d’accord sur le but, on s’entendrait sans doute sur une solution favorable, car il y a des compensations à donner quand on est, comme le roi de Prusse, l’arbitre de l’Europe.

Toutes ces idées ont été, à peu près, je crois, développées au comte de Bismarck et son esprit élevé a dû les comprendre, mais les événements déjouent les projets et forcent même les grands hommes d’État à se courber sous le joug mesquin de la nécessité. Rien ne manque à la gloire de l’empereur et roi, si ce n’est de faire une grande paix, et j’entends par ces mots.