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troisième génération d’après une guerre le soin de venger ses vaincus et ses morts, équivaut pour un peuple à renoncer aux réparations et à la revanche. M. d’Hurcourt a dit cela en termes très forts, et qui auraient encore gagné à être appuyés de l’explication historique et politique du renoncement de la France, après un réveil d’énergie et de patriotisme qui égale bien celui de la Prusse après Iéna. Cette explication, on la trouve dans la nature du régime démocratique et républicain, régime du moindre effort, des velléités brèves et des courtes pensées.

On n’avait d’ailleurs pas attendu le centenaire pour tirer la leçon d’Iéna. Bismarck, nous venons de le voir, l’avait fait depuis longtemps, en saluant, cette défaite prussienne, — largement rachetée depuis, — comme l’origine de la libération et de la renaissance allemandes. Mais nous avons aussi dans notre littérature historique et politique un grand ouvrage qui commente les enseignements d’Iéna. C’est celui que M. Godefroy Cavaignac écrivit entre 1890 et 1898 sur la Formation de la Prusse contemporaine. Patriote, mais républicain par tradition et par conviction, l’ancien ministre de la guerre s’était proposé de montrer dans son livre l’influence bienfaisante des idées de la Révolution française sur le risorgimento prussien. Sa thèse était que le désastre de 1806 marqua pour la Prusse la fin de l’ancien régime et des principes d’ancien régime, l’avènement d’un régime nouveau gouverné par les idées de 1789, et que de cette Révolution