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Vu Blowitz aujourd’hui. Après quelques mots d’entrée en matière, il a abordé le sujet qui l’avait conduit chez moi.. Il m’a dit : « Gambetta n’est pas allé à Varzin ? » en prenant un air fin comme s’il voulait dire : Je sais qu’il y est allé. Je répondis : « Non, il n’y est pas allé. » Et comme Blowitz me regardait avec surprise, j’ajoutai : « Le prince aurait reçu Gambetta avec plaisir s’il était venu à Varzin. Mais il n’y est pas venu. » Là-dessus Blowitz : « Mais alors son voyage était une sottise ! Comment, il s’expose à être insulté en Allemagne, etc… » Blowitz donne deux ans à Gambetta. Après quoi il sera usé.

Tel n’était pas l’avis de Bismarck qui, à Varzin, avait recommandé à Hohenlohe de faire bonne figure à Gambetta et de ne pas aller s’imaginer, comme quelques naïfs de Berlin, que le nom du tribun était synonyme de revanche. Aussi, lorsque fut formé le « grand ministère » et que M. de Saint-Vallier (le successeur à Berlin du vicomte de Gontaut-Biron) vint, un peu inquiet, demander à Hohenlohe ce qu’en pensait le chancelier, l’ambassadeur d’Allemagne lui répondit que « le gouvernement allemand continuerait les bonnes relations existantes avec le ministère Gambetta, qui apparaissait comme une inéluctable nécessité pour la France ». M. de Saint-Vallier, qui ne semblait pas rassuré sur les intentions de Bismarck à l’égard de Gambetta, paraît avoir été moins clairvoyant que son prédécesseur qui avait si bien lu dans le jeu du chancelier et si bien su entraver sa politique. Cette naïveté fut d’ailleurs une bonne note pour M. de Saint-Vallier et servit à accroître encore la faveur dont il jouissait à Berlin. Aussi quand, peu de temps après,