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vait dès lors, si elle eût été constituée d’une manière irrévocable et renfermée dans de justes limites, remplir le vide existant dans les lois de la monarchie En élevant l’édifice économique de la France sur les bases d’un droit public en matière d’impôt, elle eût assuré à la royauté les ressources pécuniaires indispensables à la dignité du trône et à la sûreté de l’état, en même temps qu’elle eût donné à la nation la certitude que ses intérêts ne seraient plus sacrifiés à des besoins factices ou à des prétentions exagérées. Mais ce qui devait devenir un jour une barrière salutaire et un appui pour les rois parut alors à leurs conseillers un obstacle redoutable aux progrès de la puissance souveraine qui n’était pas encore affermie sous le rapport des impôts, mais vers laquelle nos rois se dirigeaient par degrés, au moyen d’un système habilement suivi depuis le commencement de la troisième race.

On a vu, en effet, qu’à l'époque où Hugues Capet parvint au trône, et sous ses premiers successeurs, les barons disposaient seuls du droit de répartir et de lever dans leurs domaines les tailles qu’ils accordaient au roi, et qu’ils s’attribuaient même une partie de cette imposition. Depuis, les premiers actes de nos rois en matière d’impôts, même à l’occasion des guerres saintes, n’avaient été hasardés qu’avec réserve et avec les précautions nécessaires pour empêcher les vassaux de s’alarmer de l’exercice d’une nouvelle puissance : c'étaient moins des ordonnances émanées de l’autorité suprême qu’un traité fait avec des sujets redoutables. Mais déjà du temps de Saint-Louis la sagesse du prince avait fait décider que la taille n’était point un revenu ordinaire des terres féodales; et moins d’un demi-siècle