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1198.— Les confiscations faites sur les juifs bannis précédemment du royaume, nonobstant l'appui des seigneurs avec lesquels ils partageaient leurs profits, avaient augmenté les revenus du fisc ; Les juifs obtinrent leur retour pour de l'argent : avec eux reparurent une foule d'exactions dont ils devinrent encore une fois les inventeurs et les fermiers, ainsi que l'usure, fléau inséparable des temps d'ignorance. A cette époque, en effet, les Français étaient étrangers aux différents genres de spéculations et d’industrie que commerce autorise ou entretient. C’était à l’aide des Vénitiens, des Génois, des Pisans, dont la navigation embrassait toutes les parties du globe alors connues, que les croisés parvenaient en Orient. Dans l'intérieur du royaume, les Lombards continuaient d'être en possession de vendre les marchandises et les denrées ; et le commerce de l’argent se trouvait dans les mains des juifs, que n'intimidaient point les canons de l’Église, par lesquels le prêt à intérêt était défendu. Plus que d’autres, les juifs avaient des fonds disponibles, puisqu’ils ne pouvaient posséder que des richesses mobiles ; mais, n’étant pas protégés dans leurs transactions, et leurs avances courant par conséquent de grands risques, ils devaient mettre un prix élevé à leurs capitaux et exiger des gages en garantie. La nécessité forçait de souscrire à ces conditions onéreuses. Pendant longtemps encore on devait ignorer que le prix de l’argent doit être en raison de sa rareté et des dangers que court le prêteur, et que les lois sont impuissantes pour régler le taux de l’intérêt.