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par d’énormes tributs en argent, en bestiaux et en grains, que toutes les classes de la population durent fournir, au moyen d’exactions qui atteignirent les propriétés et jusqu’aux marchandises des trafiquants, tant juifs que chrétiens[1], appât bien puissant pour de nouvelles hordes que le désir de prendre part au butin attira pendant un siècle en France. Louis-le-Débonnaire et ses successeurs, par des largesses inconsidérées en faveur du clergé, privèrent la couronne des biens qui faisaient sa richesse et sa principale force, en assurant son indépendance. Le mal s’accrut encore par l’usage, dont Charlemagne avait donné l’exemple, de partager entre les fils du monarque le pays qu’il avait gouverné. Les ducs, les comtes, profitant de ces fautes de la royauté, et des luttes sanglantes qui en résultaient, obtinrent de la faiblesse des rois la propriété héréditaire des terres et des prérogatives que, dans l’origine, la volonté du monarque avait conférées à vie. Ces donations s’obtinrent sous la condition de foi et hommage, et à la seule réserve de retour au domaine à défaut d'hoirs. Toutes les fonctions, qui avaient été purement personnelles dans l’origine, devinrent pareillement héréditaires. Les vassaux subordonnés aux grands feudataires, depuis les vicomtes jusqu’aux centeniers, ayant suivi l'exemple des ducs et des comtes, le royaume devint le partage d'une multitude de seigneurs hauts, moyens et bas-justiciers. Retranchés dans des tours et des châteaux situés sur des lieux

  1. Exactio Nortmannis constitua, Cap. t. z, p. 258 et 806, 268 et 1286, 53, 56, 69, 151. - Ordon. du Louvre, p. iv et 151. - Traité des monnaies, par Abot de Bazinghen, p. 99, t. 2.