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sante dans ces temps d'ignorance, l’habitant des campagnes, frappé de crainte, consentit au sacrifice d’une partie de ses travaux pour écarter de sa famille et de ses champs les malheurs et la stérilité qui devaient punir sa résistance. Ce qui n’avait été dans l’origine qu’une offrande volontaire due à la piété de quelques fidèles devint ainsi pour l’agriculture un impôt perpétuel, dont l’usage plus que la législation fit un droit; et la dîme, bornée d’abord aux fruits de la terre, s’étendit bientôt à la reproduction du bétail[1].

Fort envers les possesseurs des propriétés ecclésiastiques de la légitimité de sa cause et de l’autorité des lois basées sur l’équité, le clergé procédait plus directement à leur égard. Ceux qui ne remplissaient pas leurs obligations étaient cités devant les tribunaux; mais ils ne pouvaient être admis au serment dans la crainte de parjure. S’ils déclinaient la juridiction ou s’ils n’exécutaient pas le jugement qui les condamnait soit à une forte amende au profit du fisc, soit à la restitution du bénéfice, ils étaient livrés à la discipline ecclésiastique; et leur résistance aux exhortations réitérées des prêtres était suivie de l’excommunication. Cette arme, la seule qui restait au clergé, remplaçait puissamment pour lui les armes temporelles, dont l’usage lui avait été défendu. Insensiblement ainsi le clergé se trouva en possession d’une forte partie des dîmes militaires ou laïques. Celles qui furent conservées par des seigneurs qui les considéraient comme patrimo-

  1. Capit. ann. 794, liv. 6, art. 299. - Capit. ann. 813, art. 7. - Pasquier édit. de 1723, t. 1, p. 814. B. - Esprit des lois. - Mably, t. 2, ch. 2, et Preuves.